La charte d’agroécologie des organisations burundaises engagées dans l’économie sociale et solidaire
Nous, organisations paysannes, syndicales, mutuellistes, professionnelles et d’appuis engagés dans la promotion de l’économie sociale et solidaire au Burundi,
Fortement préoccupées par la pauvreté croissante des populations burundaises ;
Confrontées aux écarts énormes qui ne cessent de se creuser entre les riches qui s’enrichissent sans cesse et les pauvres qui se paupérisent davantage;
Confrontées à la montée des politiques néolibérales ouvertes ou déguisées promues à la fois par certains Gouvernements et certains bailleurs de fonds internationaux en faveur des populations plus aisées à l’instar des politiques d’appui aux filières agricoles commerciales, aux seuls entrepreneurs ruraux, aux limites aux droits syndicaux et à la manipulation des organisations paysannes d’une part ;
Confrontées d’autre part à de nombreuses politiques de gratuité qui créent une grave dépendance du pays et des citoyens face à l’aide et qui développent chez eux un esprit croissant de mendicité en lieu et place du culte de l’effort et de l’autopromotion ;
Etant donné que certaines organisations peuvent se déclarer d’économie sociale et solidaire sans en connaître les principes, les valeurs et les pratiques et même en ternissent l’image ;
S’inspirant des principes universels de l’économie sociale et solidaire ;
Convenons de ce qui suit:
Article 1. L’économie sociale et solidaire se définit de la manière ci-après :
L’économie sociale et solidaire (ECOSOL) est un modèle économique fondé sur la solidarité et la mise
en commun des moyens pour générer des biens, des services et des avantages qui sont partagés en
fonction des transactions de chacun en vue de l’amélioration du bien-être social des membres et de
la communauté. Elle est également fondée sur des valeurs humaines et une organisation
démocratique qui défend les intérêts individuels et collectifs et permet ainsi la construction d’un
mouvement social.
Article 2. L’économie sociale et solidaire représente le meilleur modèle économique et social qui
permet d’assurer à notre pays un développement économique, social, humain, équitable et pérenne
et la présente charte qui régit à la fois nos organisations et nos interventions.
Article 3. Les principes ci-dessous régissent l’économie sociale et solidaire dans nos organisations:
- la création de la plus-value ;
- la solidarité ;
- la mise en réseaux et le développement d’un mouvement social ;
- la démocratie ;
- l’autonomie.
Article 4. La création de la plus-value est caractérisée par le développement des actions qui
intègrent à la fois les dimensions économique et sociale et une reconnaissance de la primauté du
travail et des services rendus dans l’affectation équitable des revenus qui garantissent aux membres
et aux employés une vie digne .
Par conséquent, nous encourageons le renforcement des bonnes pratiques suivantes :
la promotion du travail décent ;
la participation dans la constitution du capital ;
la réalisation des économies d’échelle ;
l’utilisation de techniques et technologies innovantes ;
la répartition équitable des avantages, des risques et des échecs ;
gestion rationnelle des ressources.
Par contre, nous décourageons:
toute forme de malversation et de corruption ;
la primauté des profits sur le service aux membres ;
la dégradation de l’environnement.
Article 5. La solidarité se caractérise par la participation effective, l’entraide et la mutualisation des
savoirs, des services, des moyens, des risques et des échecs dans l’intérêt des membres et de la
communauté.
Pour cela, nous encourageons les bonnes pratiques suivantes :
la structuration des mouvements de la base au sommet ;
la mutualisation des services ;
l’amélioration du bien-être social ;
la préoccupation de l’ensemble de la communauté ;
la centralité de l’humain et des valeurs humaines
Par contre, nous décourageons :
la concurrence féroce et le cloisonnement ;
l’Individualisme et l’esprit de domination ;
la négligence de l’aspect social et le mauvais usage des biens communs ;
les rivalités et l’instrumentalisation.
Article 6. La mise en réseaux et en synergie vise le développement d’un mouvement social capable de conduire des actions de plaidoyer pour le changement social.
De ce fait, nous encourageons les bonnes pratiques ci-après :
la promotion de la justice sociale ;
le développement des filets sociaux pour les nécessiteux ;
la défense des causes justes.
Et nous décourageons les pratiques suivantes :
le népotisme et le trafic d’influence ;
la discrimination sous toutes ses formes ;
l’intimidation sous toutes ses formes.
Article 7. La démocratie dans nos organisations est caractérisée par l’administration par les instances
élues démocratiquement avec des mandats limités et qui fonctionnent dans le respect de l’éthique,
des lois en vigueur dans le pays et des textes qui les régissent et intègrent des mécanismes
permettant de lutter contre la corruption et les malversations.
Ainsi, nous encourageons les bonnes pratiques ci-après:
la gestion participative;
le respect des lois et des textes réglementaires ;
la gestion saine et transparente.
A contrario, nous décourageons les mauvaises pratiques ci-après :
l’abus de pouvoir ;
l’engagement mitigé.
Article 8. L’autonomie signifie qu’une initiative d’économie sociale et solidaire compte
prioritairement sur ses propres forces et moyens à travers les contributions des membres, la
diversification des ressources et la constitution d’un fonds de réserve conséquent, tout en instaurant
une gestion rationnelle et professionnelle. Elle porte aussi sur l’indépendance vis-à-vis des courants
politiques et religieux ainsi que la capacité à gérer soi-même tous les aspects de son organisation.
Ce faisant, nous encourageons les bonnes pratiques ci-après :
la gestion libre et indépendante ;
la neutralité politique ;
la laïcité ;
le renforcement des capacités à différents niveaux ;
le recrutement du personnel compétent.
Et nous décourageons les mauvaises pratiques suivantes :
la subordination à un courant politique, idéologique ou religieux ;
inexistence de fonds propres ;
le recrutement d’un personnel incompétent ;
le laxisme dans la gestion des ressources.
Article 9. La présente charte est adoptée par les organisations initiatrices qui s’engagent à en faire
une référence dans leur mode de fonctionnement et en assurer la promotion, la mobilisation et
l’adhésion auprès d’autres organisations.
Article 10 : L’adhésion à la présente charte est ouverte à toute organisation qui s’engage d’en
respecter les dispositions.
Article 11 : La présente charte peut être révisée sur décision des 3/4 des organisations adhérentes à
la Charte.